LE MONDE D’APRES

Le monde d’après sera-t-il la 5G?

Où faut-il singer le monde d’avant?

Garderons-nous la conscience du temps long, asservie que nous sommes à l’hégémonie de l’immédiat ? La pensée naît de la durée. 

Et comment en outre nous garder de tout anachronisme nous imposant une pensée irrémédiablement entachée des erreurs du passé et sans en retenir par ailleurs les leçons qu’il nous offre ?

Voilà la difficulté devant laquelle nous sommes quand l’on doit imaginer le monde d’après. Il ne faut pas toutefois y renoncer.

Mais d’abord, de quoi parle-t-on ? 

De l’organisation de la société, ou des sociétés, de l’économie, de géopolitique, d’écologie, de dérèglement climatique, de ressources…ou tout simplement de l’humanité ?

 Le sujet est vaste tant il nous semble que cette crise sanitaire révèle, beaucoup plus que « tout ce qui va bien », « tout ce qui va mal » dans ce monde en dérive. Et est-il plus en déroute que le monde d’avant ? (Michel SERRES : c’était mieux avant)

Voilà pourquoi je me sens bien incapable, tel un misanthrope humaniste qui n’en est pas à un oxymore près, d’y répondre. Mais je n’aspire pas au repos et je me livre donc aux réflexions et élucubrations que tout un chacun peut avoir.

Le sens de l’histoire :

Il conviendrait donc, j’en convient à peu près, de faire table rase du passé et rebâtir un nouveau monde, ou bien alors renoncer à affronter les défis actuels ou encore partir sur l’île Utopia.

Les utopistes situent généralement leurs écrits dans des lieux imaginaires pour éviter la censure politique ou religieuse : un pays lointain et mythique (Les Aventures de Télémaque, Livre 7, Fénelon, 1699), une île inconnue par exemple (L’Île des esclaves, Marivaux). 

Thomas More prône la tolérance et la discipline au service de la liberté, à travers le portrait d’un monde imaginaire, proche de l’idéal de l’auteur. Il s’est inspiré au départ de son ouvrage Utopia du mouvement des enclosures.[1]


[1] Le mouvement des enclosures fait référence aux changements qui, dès le XIIe siècle mais surtout à partir de la fin du XVIe siècle et au XVIIe siècle ont transformé, dans certaines régions de l’Angleterre, une agriculture traditionnelle dans le cadre d’un système de coopération et de communauté d’administration des terres (openfield, généralement des champs de superficie importante, sans limitation physique) en système de propriété privée des terres (chaque champ étant séparé du champ voisin par une barrière, voire une haie comme dans un bocage). 

Ce mouvement eut des conséquences sociales dramatiques, privant nombre de personnes de tout moyen de subsistance, et cela avec brutalité.

Une utopie peut désigner également une réalité difficilement admissible : en ce sens, qualifier quelque chose d’utopique consiste à le disqualifier et à le considérer comme irrationnel.

Et ici encore comment ne pas tomber dans ces biais qui nous font basculer d’utopie en dystopie ?

Une dystopie est un récit de fiction dépeignant une société imaginaire organisée de telle façon qu’il est impossible de lui échapper et dont les dirigeants peuvent exercer un pouvoir généralement sans contraintes sur des citoyens qui ne peuvent pas atteindre le bonheur (Thomas Hobbes, « l’homme est un loup pour l’homme » et son corollaire, un Etat fort, Le Léviathan)

Comment ne pas penser aux mouvements « populistes » voire complotistes qui parcourent le monde à la recherche d’un pouvoir fort sachant enfin leur dire toute la vérité et les protéger de toutes les puissances obscures -financières, politiques etc…- les menaçant.

Une dystopie peut également être considérée comme une utopie qui vire au cauchemar et par conséquent conduit donc à une contre-utopie ; un auteur entend ainsi mettre en garde un lecteur en montrant les conséquences néfastes d’une idéologie (ou d’une pratique) contemporaine. De fait, la différence entre dystopie et utopie tient davantage à la forme littéraire et à l’intention de son auteur qu’au contenu : en effet, nombre d’utopies positives peuvent également se révéler effrayante.

Pas si simple au-delà des yakafaucon.

Nous y voilà : comment aujourd’hui et plutôt demain s’aider, et en même temps se garder de toute utopie ou dystopie ? Comment ne pas céder aux chimères, réunir ce qui est épars dans un consensus social, politique, économique qui fasse corps et qui redonne une colonne vertébrale à l’humanité ? Bien malin qui peut y répondre.

Alors, s’agissant du sens de l’histoire, faudra-t-il renoncer à la 5G, aux vaccins, à l’homme augmenté grâce à l’IA (oui aux prothèses mais non aux savants fous), aux nanotechnologies etc., etc… comme en son temps certains souhaitaient renoncer aux locomotives à vapeur de Denis Papin en raison des esquilles produites et à leurs possibles dangers au passage dans les tunnels ?

Faut-il céder aux collapsologues même s’il faut les entendre ?  

Où se situera la voie du milieu ? Eh bien n’en doutons pas en exigeant que les décisions soient prises sous le sceau de la raison et non pas celui de la passion toujours aveugle et mauvaise conseillère. 

Comment :

Comment en sortir ? Seules quelques pistes peuvent nous y aider :

♦ plan économique :

Il faudra sûrement produire à proximité du lieu de consommation et promouvoir les circuits courts. Le mouvement est en bonne voie mais le but est encore loin s’il y en a un. Mais il faut tendre vers cet objectif. Et pourtant je me suis encore surpris à acheter cet été un short à 5€ fabriqué je ne sais où et dont le coût carbone m’est apparu a posteriori effrayant. Il y a du boulot !

Ensuite accepter de nouveaux modes de consommation afin d’être en mesure de nourrir tous les êtres humains (nouvelles protéines, nouveaux modes de production etc…)

Commencer d’abord par produire ce qui garantit notre indépendance comme, pour ne citer qu’un exemple, les médicaments.

Créer massivement des emplois de services bien rémunérés car ils seront le socle de nos sociétés en évolution. cf. infra.

♦ plan social :

Les évolutions technologiques en cours, et celles à venir, vont probablement supprimer ce qu’il est commun d’appeler la main-d’œuvre peu qualifiée. Qui se plaindra de voir disparaître des métiers pénibles, répétitifs et qui ne font qu’user ? Exit « les temps modernes de Charlot » bien que le sort aujourd’hui des employés d’AMAZON ne soit pas meilleur comme on le voit dans ce reportage.

Mais encore conviendra-t-il de les remplacer par des métiers de service bien rémunérés et porteur de sens. Le « soin », le « care » selon la terminologie anglo-saxone désormais de plus en plus adoptée pourra être un gisement pour ces emplois. Et l’enrichissement personnel (s’occuper de personnes fragiles ou/et âgées, des plus démunis…) suivra.Mais cela ne suffira pas ! Et cela renvoie à termes à l’inexorable « revenu universel » quelle que soit la forme qu’il devra revêtir et dont nous devons aussi disputer. L’équation emploi de services et/ou de soin bien rémunérés et revenu universel sont indissociables pour aboutir à un équilibre social acceptable.

♦ L’écologie :

Les objectifs fixés par la conférence sur le climat d’abaisser les émissions de carbone seront loin d’être atteints à supposer même que les USA (c’est le cas désormais avec Jo Biden) et la Chine rejoignent la partie. 

Les perspectives ne sont pas réjouissantes. Qui croire, qui écouter ? Vers quelle énergie propre faut-il aller ? L’éolien (regardez ce reportage édifiant : https://youtu.be/Vf9EbpzDvoY), le photovoltaïque, la batterie électrique dont 70% de la recharge vient du nucléaire non carboné mais dont le traitement de ses déchets n’est pas résolu ?

Et je n’évoque pas le paradoxe selon lequel les technologies vertes et les nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) se nourrissent l’une de l’autre et provoquent un effet contre-productif. Cf. ici.

C’est là encore de la mixité des solutions que la réponse possible viendra en attendant mieux comme le promet le projet ITER.

♦ Géopolique :

Les grands équilibres mondiaux héritiers de la dernière guerre mondiale, la fin du conflit Est Ouest depuis la chute du mur de Berlin, l’émergence de pays en développement, les glissements actuels dans le dialogue Nord Sud sont autant de préoccupations loin d’être résolues et qui vont en s’aggravant.

La puissance et l’hégémonie de la Chine, sa vision à long terme (nouvelle route de la soie, « nouvelle colonisation » de l’Afrique, son poids sur les ressources, la vision de son dirigeant) n’est pas pour rassurer. Il n’est qu’à visionner ce reportage : https://www.arte.tv/fr/videos/078193-000-F/le-monde-de-xi-jinping/

Chaque réflexion ici posée mériterait à elle seule un article. Certains même en font des livres, que dis-je, des bibliothèques.  Mais de réponses à notre propos ?

Face à de tels défis, et bien que mon point de vue ne sera pas partagé par tous, je prétends que l’EUROPE doit être la puissance qui doit y répondre simplement parce que sa taille est adaptée. Bien sûr elle devra être plus politique (sa représentativité, son organisation), bien sûr plus sociale et surtout plus forte avec une défense européenne.

Et Dieu dans tout çà dirait Jacques Chancel ? Et l’Islam et son but ultime de soumettre (ISLAM, traduit souvent comme soumission) à ses dogmes et à son organisation politique ? La laïcité française bien sûr est La réponse !

Alors, qui peut prédire le monde d’après la COVID sinon en s’interrogeant sur cet ensemble de paradoxes à résoudre. Et il y en a beaucoup d’autres !

Travaillons et espérons !

Nous rêvons tous d’un monde meilleur et:

« Chaque génération sans doute se croit vouée à refaire le monde, la mienne sait pourtant qu’elle ne le refera pas mais sa tâche est encore plus grande elle consiste à empêcher que le monde ne se défasse »

— Albert CAMUS

Pour autant:

« Ne doutez jamais qu’un petit groupe d’individus conscients et engagés peuvent changer le monde, c’est toujours comme cela que ça s’est passé. »

Margared Mead.

Le 20 novembre 2021; MàJ le 4août 2021

L’equation Islamo-gauchiste

Reprise du blog de François BRAIZE: https://francoisbraize.wordpress.com/2021/03/27/lequation-islamo-gauchiste/

Une tribune signée par Fatiha BOUDJAHLAT (enseignante et essayiste) Nathalie HEINICH (sociologue, CNRS) Catherine KINTZLER (philosophe, professeur d’université honoraire) Jacques JULLIARD (historien) Samuel MAYOL (maître de conférences en sciences de gestion, université Paris-Nord) François RASTIER (linguiste, CNRS) Jean-Pierre SAKOUN (éditeur, ancien président du Comité Laïcité République)

La victoire de Donald Trump en 2016 fut largement imputableà la division de ses adversaires, comme l’ont enfin compris les démocrates américains. Les premiers facteurs de division de la gauche en Amérique furent, d’une part, l’insistance sur la race comme catégorie politique et, d’autre part, l’occultation des rapports d’exploitation par les rapports de domination mis en avant tant par le courant « décolonial » que par le courant néoféministe, qui ont remplacé l’antiracisme et le féminisme universalistes par des revendications identitaristes et différentialistes. C’est ainsi que se sont imposées sur le devant de la scène, au nom de l’antiracisme et de l’antisexisme, des formules aussi perversement racistes et sexistes que celles de « privilège blanc », de « blanchité » ou de « mâle blanc dominant ».

Ces facteurs de division sont à présent largement répandus en France. Ils connaissent un essor d’autant plus important que les milieux « décoloniaux » s’emploient à discréditer les institutions, à coup d’accusations de « racisme d’État », pour « casser la République en deux », selon la formule revendiquée par le philosophe et inspirateur du mouvement « indigéniste » Norman Ajari. Comme eux, les islamistes dénoncent un « racisme systémique » fantasmé et une « islamophobie » brandie comme un interdit de critiquer l’islamisme, notamment après chaque campagne d’attentats. Et, de fait, l’affaire du burkini éclate à Nice deux semaines après l’attentat du 14 juillet, avec pour effet de faire passer le massacre à la trappe.

Chaque critique des effets du fondamentalisme islamique sur la société française se voit ainsi délégitimée par un dispositif idéologique auquel nombre de militants de gauche et, hélas, de chercheurs prêtent leur concours, lorsqu’ils n’en sont pas les porte-voix les plus efficaces, à l’instar des soutiens à Tariq Ramadan avant qu’il ne soit mis en examen pour viol. Enfin de nouvelles attaques contre la laïcité, accusée de n’être qu’une arme visant les musulmans, s’ajoutent à cet arsenal typique de l’« islamogauchisme », auquel seuls les faux aveugles ou les ignorants dénient toute réalité.

Complaisance idéologique

Ces derniers mois, un nombre croissant d’enseignants du secondaire et du supérieur ont dû être placés sous protection policière après des accusations d’« islamophobie » suivies de menaces de mort. Ceci éclairant cela, vingt-cinq organisations liées aux mouvements islamistes ont écrit le 8 mars à la présidente de la Commission européenne pour lui demander d’agir contre les « lois islamophobes françaises » : en cinquante-six points, cette lettre condamne la loi contre les séparatismes et souligne que le « gouvernement français a exploité l’assassinat de Samuel Paty pour son propre agenda raciste, discriminatoire et islamophobe ».

Une partie de la gauche s’est laissée berner, par complaisance idéologique ou par aveuglement. C’est ainsi que le 10 novembre 2019 La France Insoumise,le PCF et la CGT défilèrent avec le Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF, aujourd’hui dissous), dans une manifestation au cours de laquelle on scanda Allahou Akbar et où des enfants furent affublés de l’étoile jaune à cinq branches, assimilant ainsi de façon abjecte le statut des musulmans aujourd’hui à celui des Juifs sous l’Occupation.

Et lorsque, plus récemment, Jean-Michel Blanquer puis Frédérique Vidal dénoncèrent le terreau de complaisances intellectuelles à l’Université qui, au nom de la « lutte contre l’islamophobie », aboutissent à une complicité idéologique avec l’assassinat d’un enseignant, des pétitions d’universitaires militants s’empressèrent de nier le problème, assimilant la critique des dérives islamistes et la défense de la laïcité aux valeurs de Pétain (pétition internationale du 4 mars 2021), d’Orban et de Trump (tribune de Sandra Laugier dans « Libération » du 12 mars 2021). Mais les a-t-on jamais entendus dénoncer l’islamo-fascisme des fondamentalistes de l’islam politique, qui encouragent voire pratiquent ouvertement l’intolérance, la violence, le sexisme et l’homophobie ?

Dépouiller la gauche de ses forces vives

En prétendant incarner toute la gauche et rien que la gauche, ces courants dépouillent la gauche de ses forces vives et de ses valeurs historiques, renvoyant au vide politique ou à la tentation droitière ceux qui ne partagent ni l’obsession de la « racialisation », de la « domination masculine », de l’« intersectionnalité » et de l’écriture inclusive, ni la culture de la censure (« cancel culture ») qui prétend non pas contester mais réduire au silence tous ceux qui ne penseraient pas comme il faut.

Et c’est ainsi que sont réunies les conditions idéologiques d’une victoire du Rassemblement national. Sa xénophobie se voit justifiée par le retour de la race dans le débat public, de même que l’ethnodifférentialisme élaboré naguère par la Nouvelle Droite et repris par l’aile identitaire du RN se trouve légitimé par des notions comme l’« appropriation culturelle ». Quant aux réunions « non-mixtes » réservées aux « racisés » que prônent les nouveaux militants « intersectionnels », ne reproduisent-elles pas une forme de ségrégation ?

C’est pourquoi une clarification idéologique est nécessaire pour que la gauche puisse réaffirmer les valeurs laïques, démocratiques et universalistes qui sont les siennes depuis un siècle, et dont elle ne s’écarte jamais qu’à ses dépens. Certes, des identités collectives existent, mais l’appartenance à une communauté ne confère aucun droit particulier – c’est là un fondement de la République française. Certes, les religions existent, mais la liberté de conscience doit être protégée par le respect de la laïcité, qui garantit notamment le droit de critiquer les religions, quelles qu’elles soient, sans que cette critique puisse être assimilée à une discrimination envers les croyants. Certes, les discriminations existent et doivent être corrigées, mais pas au prix d’une assignation des individus à des identités communautaires essentialisées. Et certes encore, des minorités existent, et peuvent même constituer des forces politiques, mais c’est à la majorité que revient, en régime démocratique, le droit de décider pour tous.

Tant que ces confusions ne seront pas levées, les tentatives unitaires nécessaires pour faire barrage à l’extrême droite seront vouées à l’échec. Il est temps que la gauche se ressaisisse en renouant avec ses valeurs fondatrices, sans se laisser intimider par le chantage provenant d’une de ses franges minoritaires, radicalisée, culpabilisatrice, victimaire et potentiellement totalitaire.

Signataires

Fatiha BOUDJAHLAT (enseignante et essayiste) Nathalie HEINICH (sociologue, CNRS) Catherine KINTZLER (philosophe, professeur d’université honoraire) Jacques JULLIARD (historien) Samuel MAYOL (maître de conférences en sciences de gestion, université Paris-Nord) François RASTIER (linguiste, CNRS) Jean-Pierre SAKOUN (éditeur, ancien président du Comité Laïcité République)

Texte de la Tribune en document joint : Vous avez dit « Islamo gauchisme »