
A la date de ce billet le 1er mai 2020, de nombreuses questions se posent encore et nous avons peut-être tous, selon nos sensibilités, notre culture, voire notre âge des difficultés à nous prononcer pour ou contre.
Il y a naturellement ceux qui sont farouchement pour et ceux farouchement contre, comme d’habitude pourrais-t-on dire. Si pour certains cela procède d’un raisonnement construit, pour d’autres leur position est davantage une réaction spontanée fonction de leur manière d’être.
L’objet de ce billet est de donner des éléments de réflexion à travers une recension d’articles[1], et toutes autres références publiques et privées évoquant le sujet. Chacun peut ainsi, en conscience et après réflexion, confirmer ou infirmer ou amender sa perception a priori sur cette question.
J’essaie pour ma part de faire parler la raison avant la passion et l’époque et les temps que nous vivons nous imposent une prise de distance nécessaire et salutaire pour s’extraire de la pression médiatique, des infoxs ou fakes news, des théories complotistes et des chaînes d’infos et autres biais qui guident malheureusement nos consciences si nous n’y prenons garde.
Pour faire très court et forcément incomplet le débat tourne autour de 2 grands thèmes :
- Une question de liberté individuelle
- Une question sur l’efficacité de l’application
- Une question de liberté individuelle :
« Si tu es prêt à sacrifier un peu de liberté pour te sentir en sécurité, tu ne mérites ni l’une ni l’autre » Thomas JEFFERSON
Évidemment, en commençant ainsi il n’y a plus de débat. Sauf, qu’il convient d’apprécier cette phrase en contexte de crise voire de guerre puisque nous en sommes là avec ce satané Covid-19.
La question est désormais posée notamment depuis les attentats terroristes encore récents qui ont conduit à l’amputation partielle et temporelle de certaines de nos libertés.
Il est néanmoins utile de rappeler à cette occasion qu’il ne faut pas « détruire la démocratie au motif de la défendre » comme l’a énoncé la Cour européenne des droits de l’homme dans l’un de ses arrêts.
Il est ensuite utile d’observer, s’agissant de nos libertés individuelles, que nous donnons quotidiennement des informations privées aux GAFAM[2] qui en font et en feront grand usage car en effet, ils ont et auront les data – les données- et l’argent pour développer leurs projets dans le cadre notamment de l’IA voire du Trans humanisme. En effet, toutes nos recherches sur GOOGLE, tous nos post sur les réseaux sociaux en général, laissent des traces.
Pour illustrer ce propos, je citerai l’anecdote d’un ami ayant suivi une formation dispensée il y a quelques années par Facebook France sur le module des publicités :
Aux USA, après un accord avec une grande chaîne de supermarchés et en recoupant les informations du profil Facebook et celles de la carte de fidélité, ils étaient à même de savoir si une femme était enceinte avant même qu’elle soit elle-même au courant avec une marge d’erreur de 10%. Ainsi il était plus « facile » d’adapter les messages publicitaires sur le compte de la personne. C’était il y a déjà plus de 7 ou 8 ans.
Imaginons un instant ce que les GAFAM savent de nous aujourd’hui !
Quand vous faites votre promenade de confinés avec votre téléphone dans la poche, contenant d’ailleurs votre attestation dérogatoire dématérialisée, Google le sait avec le positionnement GPS et si ce dernier n’est pas activé vous ne manquerez sûrement pas de poster une photo ou d’envoyer un message etc… laissant des traces, vos traces.
Nous aliénons donc déjà une grande partie de nous-même et une part de liberté sans en avoir une claire conscience pour beaucoup d’entre nous. Sur cet aspect on se reportera aux liens figurants sur la partie 1 (les GAFAM et le traçage actuel) de l’annexe ci-dessous.
Puisque nous aliénons d’ores et déjà, et le plus souvent sans notre consentement et quasiment à notre insu, une large part de liberté individuelle, pourquoi ne le ferions nous pas en toute conscience dans l’objectif de sauver des vies ? Telle est la question qui se pose aujourd’hui avec le projet de création de l’application Stop-covid.
Bien sûr cette mesure ne peut être prise qu’en respectant certains principes :
– être exceptionnelle,
– être prévue par la loi,
-poursuivre un but légitime,
-et être nécessaire et proportionnée au but recherché.
Ce n’est pas gagné !
On peut aller plus loin et se demander quelles libertés seraient inutilement sacrifiées ?
L’utilisation d’une telle application pourrait avoir des conséquences au regard d’une certaine discrimination (selon que l’on possède ou pas un smartphone etc…), d’une surveillance malveillante avec un effet cliquet (aucune des mesures d’exception sécuritaire prises dans des temps d’urgence ne sont jamais remises en cause) et une certaine acclimatation sécuritaire qui fait craindre à long terme une mise de plus en plus sous le boisseau de la société.[3]
Toutes ces questions feront naturellement l’objet du débat à l’Assemblée Nationale ou sous une autre forme ? comme l’a indiqué le Premier ministre le 28 avril.
Mais supposons que cette application, nonobstant les contraintes sécuritaires qui sont loin d’être négligeables, venait à être mise en place encore convient-il de se demander si elle sera réellement performante et efficace.
- Une question sur l’efficacité de l’application :
Et ici les spécialistes sont plus que partagés ainsi que l’on peut le voir dans la recension de site que l’on trouvera dans l’annexe jointe.
2-1 D’abord au plan technique.
Les experts s’interrogent sur la qualité de la transmission bluetooth selon les smartphones d’une part et en fonction de la distance entre deux appareils d’autres part.
Selon eux le bluetooth n’est pas fait pour çà et présente le risque de créer des faux positifs. Néanmoins c’est le bluetooth qui est choisi car c’est une technologie moins intrusive que le GPS bien que les experts estiment qu’il s’agit d’une technologie capricieuse et peu sécurisée.
Enfin des discussions sont en cours avec Apple car, par sécurité, la firme n’autorise pas le bluetooth en permanence sur ces appareils.
Le secrétaire d’État au numérique est actuellement en pourparlers avec Apple et Google dont la collaboration est nécessaire.
2-2 Une efficacité hasardeuse :
Pour que l’application soit efficace il faudrait selon certains qu’entre 80% et 100% de la population soit utilisatrice de l’application. Or seulement 77% de la population dispose d’un smartphone et cette proportion baisse à 44% pour les personnes de plus de 70 ans pourtant les plus vulnérables.
Ajoutons à cela que l’utilisation de l’application ne serait pertinente que dans l’hypothèse d’une population testée en nombre.
Des incertitudes demeurent encore quant à la distance et à la durée de contact nécessaire pour justifier une alerte valable. Dans les zones très densément peuplées il y aurait un risque d’explosion de faux positifs.
2-3 Risque de contre-efficacité sanitaire :
L’utilisation de l’application pourrait créer un faux sentiment de sécurité sanitaire susceptible d’inciter à la diminution des gestes barrières tout en échouant à lancer des alertes suffisamment fiables.
Comme on le voit, les questions de fiabilité, de sûreté, d’efficacité sont encore nombreuses à l’heure de la rédaction de ce billet.
Le coût de réalisation risque également d’être élevé au détriment du développement des mesures classiques (masques, gants, dépistages etc…)
Et enfin le déploiement de systèmes de surveillance est comme nous l’avons vu de nature à augmenter le sentiment de défiance à l’égard de l’État.
Voilà les quelques éléments de réflexion que je souhaitais partager étant observé, dernière précision mais non la moindre, que selon un sondage récent commandé par l’Université d’Oxford la population française serait plutôt favorable à une telle solution, puisque “près de 80 % des personnes interrogées déclarent qu’elles installeraient l’application sans aucun doute ou probablement”.
Mais je crains que pour ceux qui seront parvenus au bout de cette lecture le choix sera encore plus difficile à faire en l’absence de plusieurs informations précises encore inconnues à la date de cette rédaction.
« Toute société qui prétend assurer aux hommes la liberté, doit commencer par leur garantir l’existence. » Léon BLUM
Christian BOY
Le 1er mai 2020
ANNEXE
- Les GAFAM et le traçage actuel
Ce que cache Google sur nous – documentaire 2016 HD
Apple, Google, Facebook… Les nouveaux maîtres du monde. Documentaire 2018
2 –Le débat actuel- éléments de réflexions
Les ECHOS :
Pour ou contre stopcovid : les avis pour et contre de Aurélien DUTIER philosophe et Gilles BABINET entrepreneur
Le MONDE 23 avril 2020
DOCTISSIMO : objectifs, comment, éthique, efficacité
https://www.doctissimo.fr/sante/epidemie/coronavirus-chinois/application-tracage-numerique-stopcovid
OMS : les besoins de traçage épidémiologique
https://www.who.int/features/qa/contact-tracing/fr/
Recherche de contacts lors de flambées épidémiques :
De quoi s’agit-il et pourquoi est-ce si important ?
Les personnes en contact rapproché avec un sujet infecté par un virus, par exemple le virus Ébola, courent un risque plus élevé d’être elles-mêmes infectées et potentiellement d’en contaminer d’autres.
La surveillance attentive de ces contacts, après l’exposition à une personne infectée, les aide à se faire soigner et traiter et évite la transmission ultérieure du virus.
Par recherche des contacts, on entend tout le processus de suivi que l’on peut diviser en 3 étapes fondamentales :
- Identification des contacts : lorsque l’infection par un virus est confirmée chez une personne, on identifie les personnes ayant été en contact avec elle en l’interrogeant sur ses activités, ainsi que sur les activités des personnes de son entourage depuis le début de sa maladie. Il peut s’agir de quiconque ayant été en contact avec la personne infectée : membres de la famille, collègues de travail, amis ou soignants.
- Liste des contacts : toutes les personnes considérées comme ayant été en contact avec le sujet infecté sont enregistrées sur une liste. Tous les efforts sont faits pour retrouver tous les contacts de la liste, les informer de leur situation, de ce que cela signifie, des mesures à suivre et de l’importance de se faire soigner rapidement si des symptômes apparaissent. Il faut également leur donner des informations sur la manière de prévenir la maladie. Dans certains cas, la quarantaine ou l’isolement, soit à domicile, soit à l’hôpital peut être nécessaire pour les contacts à haut risque.
- Suivi des contacts : un suivi régulier est assuré pour tous les contacts, afin de surveiller l’apparition de symptômes et de rechercher des signes d’infection.
COMMISSION DES LOIS Audition de la CNIL
La quadrature du Net : site contre
PDF https://www.laquadrature.net/wp-content/uploads/sites/8/2020/04/contre-stopcovid.pdf
Alerte : de nombreux experts en sécurité donnent l’alerte
StopCovid : le Bluetooth, une technologie de « contact tracing » bancale
[1] Cf. annexe ci-dessous
[2] (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft)
[3] Voir https://www.laquadrature.net/wp-content/uploads/sites/8/2020/04/contre-stopcovid.pdf
Une réflexion sur “Stop covid l’application numérique qui pose question.”