https://www.franceinter.fr/emissions/grand-bien-vous-fasse/grand-bien-vous-fasse-14-avril-2020-0

Les réflexions de ACS me laissent finalement très perplexe car en effet si j’en partage un certain nombre elles ne manquent pas non plus de lever un paradoxe hallucinant que je vais tenter d’expliquer.

Au fond le raisonnement soutenu consiste essentiellement Ã  minimiser à juste titre les conséquences de l’épidémie au regard de deux paramètres, une létalité faible de 1 à 2% -en se bornant au cas de la France ce qui n’en fait pas un critère absolu- qui n’est rien a comparé à celle du cancer d’une part et par le fait qu’elle n’affecte que les « vieux Â» ce qui en soit est un argument très discutable et pourrait donner lieu à un autre débat éthique, d’autre part ; mais restons-en à ses arguments ;

Partant de là ACS constate que par une sorte de pression du monde moderne privilégiant à tout prix, ce qui est particulièrement le cas de le dire, la santé inversant un paradigme ancien selon lequel la santé était un moyen d’atteindre le bonheur alors qu’aujourd’hui le bonheur serait le moteur pour avoir la santé. Ainsi selon lui la santé pour la société moderne serait un but ultime qui n’aurait pas de prix. On verra ci-après que pour autant elle a un coût ! Immédiat et très lourd à venir. Tout cet objectif finalement n’a d’autre effet que de nier la mort et en corollaire d’empêcher d’apprécier la vie.

Il constate ensuite que l’humanité qui a toujours été partagée entre égoïste et altruiste ne changera en aucune manière du fait de cette pandémie. Je partage ici totalement ce point de vue contrairement aux bisounours d’extrême-droite comme d’extême-gauche, incluant également les écolos et autre collapsologues distingués selon lesquels « rien ne sera plus comme avant Â». Il y aura donc certes des inflexions très sensibles pour certaines (relocalisation, circuits courts et bien d’autres) mais pas de changement de monde.

Mais là où je deviens très perplexe dans sa vision c’est quand il évoque les milliards dégagés pour le soutien actuel et la relance à venir qui, si j’ai bien entendu, ne sont engagés essentiellement et s’est statistiquement juste que pour des « vieux Â». En effet selon ce raisonnement nous sauvons des vieux et allons faire payer la dette à des enfants et petits-enfants. Rejoignant en cela mais sans le citer Saint-Exupéry selon lequel « On n’hérite pas de la Terre de ses parents mais on l’emprunte à ses enfants Â»

Et donc en synthèse nous allons dépenser des milliards et obérer largement 2 ou 3 générations à venir au motif philosophique que nous poursuivrions trop la santé, qu’économiquement cela coûtera trop cher notamment pour ne sauver qu’essentiellement des « vieux Â» et que socialement nous subissons la pression.

Sur l’aspect « santé comme objectif vie Â», on ne peut que le rejoindre et l’on pourrait ajouter qu’il aurait pu renforcer sa vision en évoquant l’IA, le trans-humanisme et le post-humanisme. Car en effet c’est bien pour la recherche de ce bonheur comme moyen de rechercher la santé absolue que ce développe sur ce terreau ces courants de pensée à partir desquels on est passé de l’homme réparé à l’homme amélioré puis augmenté pour au final nier la mort et aller vers le post-humanisme. Les tenants de ces courants ne sont pas des humanistes.

Mais si l’on suit ACS jusqu’au bout et selon sa thèse ne fallait-il pas alors se rallier à des considérations ultra-libéralistes qui ont d’ailleurs largement inspiré les réactions au Covid des Anglos-saxons. Quelle thèse ? Et bien la meilleure solution pour atteindre au plus vite le fameux taux de 70% d’immunité globale de la population c’est d’éviter le confinement, ne pas éteindre toute économie comme on éteindrai une ampoule et laisser mourir les plus âgés qui par ailleurs sont les improductifs. Moyennant quoi, le pic de l’épidémie est atteint plus rapidement, l’économie n’est pas stoppée et la reprise plus assurée…et les dividendes versés naturellement. Cette hypothèse a été un instant de déraison celle de l’Angleterre et des Etats-Unis avant d’être rattrapé par une réalité plus sombre.

Une autre forme de sagesse ? Comme celle de la politique du cocotier ou l’on faisait monter les anciens récolter les dattes en haut des plus grands arbres aussi hauts que souples avant de les secouer et résoudre ainsi la question de la charge sociale des anciens.

J’ai du mal comprendre mais voilà exprimé le paradoxe qui me gêne dans le raisonnement d’ACS si on le pousse au bout.

Les questions sont sur la table et pour faire face aux crises à venir, allongement de la durée de vie en bonne santé, celles due aux migrations climatiques, au dégel du permafrost et de ces virus à venir, des enterrés de la grippe espagnole dans la glace qui fond libérant à nouveau le virus, des possibles risques de guerre bactériologiques et d’attaques terroristes de même nature il nous faudra nous prémunir en anticipant les risques selon un processus d’évaluation « coût-risque Â» certes mais en se préservant de cette impéritie qui nous vaut la situation actuelle.

Nous aurons besoin de perspectives à 20 et 30 ans si nous voulons partager des choix ambitieux mais réalistes. C’est de la politique sûrement, de la justice encore et de l’amour beaucoup, de l’égalité et de la fraternité encore et encore.

« il vaut toujours mieux penser les changements que changer les pansements Â».

Tes billets, mon très cher Claude, ont ceci de parfait qu’ils obligent à réfléchir et à travailler ensemble.

Merci pour cela.

Christian BOY, le 17 avril 2020

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